Accaparé par le retour
de son fils, Julien n'avait pas remarqué que sa femme donnait des
signes de fatigue, très peu dans sa nature, et qu'elle se pliait
parfois en deux, suite à des douleurs dans le bas ventre qu'elle
tentait de lui cacher. Ce fut Madeleine qui le prit en aparté pour
lui en parler. Cette quatrième grossesse ne semblait pas se dérouler
avec la facilité des trois précédentes. Puis un jour Julien
surprit Niangha alors qu'elle se tenait le ventre en frissonnant par
une belle matinée d'été.
Celle-ci dut bien le
reconnaître, quelque chose ne se passait pas normalement. Puis un
matin : perte de sang, contractions, fièvre et départ en
urgence à l’hôpital, en ambulance. A l'arrivée, Niangha avait
perdu connaissance et le gynécologue appela Julien qui,
heureusement, avait suivi sa femme.
- Voila, dit le médecin, à 7 mois, le bébé peut être viable, mais l'état de votre épouse est grave, une infection de l'utérus qui est déjà entrain d'atteindre d'autres organes. Malgré toute mon expérience en la matière, je dois vous dire que je ne peux pas sauver les deux : l'enfant et la mère. Celle-ci étant dans l'incapacité de choisir, c'est à vous que revient la responsabilité de la décision, et il faut faire vite.
Julien avait déjà
choisi : sauver la mère de ses trois enfants. Il expliqua au
médecin, qui marquait un certain étonnement face à l'âge de
Julien, que ceux-ci avaient tous moins de 10 ans et un grand besoin
de leur mère. Quant à ses propres sentiments, il les garda pour
lui : son amour profond, indéfectible pour Niangha, la joie de
l'avoir près de lui, ce partage de toute la vie du domaine, il ne
voulait pas perdre ce trésor.
Plus tard, de retour chez
eux et après avoir appris qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants,
elle en voulu à Julien de l'avoir choisie elle plutôt que leur
petit. Jamais Julien, d'entente avec le gynécologue, ne lui confia
que leur fils avait une malformation du côté gauche, la jambe plus
courte et le bras recroquevillé. Le chirurgien présent avait fait
la remarque : « Dans de tels cas, on ne pouvait assurer
que le cerveau ne soit en partie endommagé ». Julien avait
assisté, dans la famille de Maximilien, son ami, aux complications
terribles qui suivirent une telle naissance, le sentiment de
culpabilité et de honte que vécut la mère, il pensait donc qu'il
était sage de se taire. N'y a-t-il pas des secrets à garder toute
sa vie ? La transparence totale n'existe pas ; d'ailleurs
il avait constaté que plus les gens en parlaient et s'en
gargarisaient, plus ils lui paraissaient opaques ! En exigeant
toute la transparence, n'allait-on pas provoquer la rechercher de
moyens pour la contourner ?
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