jeudi 22 janvier 2015

Domaine Le Patriarche : 5 Une petite vie s'en va

Accaparé par le retour de son fils, Julien n'avait pas remarqué que sa femme donnait des signes de fatigue, très peu dans sa nature, et qu'elle se pliait parfois en deux, suite à des douleurs dans le bas ventre qu'elle tentait de lui cacher. Ce fut Madeleine qui le prit en aparté pour lui en parler. Cette quatrième grossesse ne semblait pas se dérouler avec la facilité des trois précédentes. Puis un jour Julien surprit Niangha alors qu'elle se tenait le ventre en frissonnant par une belle matinée d'été.

Celle-ci dut bien le reconnaître, quelque chose ne se passait pas normalement. Puis un matin : perte de sang, contractions, fièvre et départ en urgence à l’hôpital, en ambulance. A l'arrivée, Niangha avait perdu connaissance et le gynécologue appela Julien qui, heureusement, avait suivi sa femme.

  • Voila, dit le médecin, à 7 mois, le bébé peut être viable, mais l'état de votre épouse est grave, une infection de l'utérus qui est déjà entrain d'atteindre d'autres organes. Malgré toute mon expérience en la matière, je dois vous dire que je ne peux pas sauver les deux : l'enfant et la mère. Celle-ci étant dans l'incapacité de choisir, c'est à vous que revient la responsabilité de la décision, et il faut faire vite.
Julien avait déjà choisi : sauver la mère de ses trois enfants. Il expliqua au médecin, qui marquait un certain étonnement face à l'âge de Julien, que ceux-ci avaient tous moins de 10 ans et un grand besoin de leur mère. Quant à ses propres sentiments, il les garda pour lui : son amour profond, indéfectible pour Niangha, la joie de l'avoir près de lui, ce partage de toute la vie du domaine, il ne voulait pas perdre ce trésor.

Plus tard, de retour chez eux et après avoir appris qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants, elle en voulu à Julien de l'avoir choisie elle plutôt que leur petit. Jamais Julien, d'entente avec le gynécologue, ne lui confia que leur fils avait une malformation du côté gauche, la jambe plus courte et le bras recroquevillé. Le chirurgien présent avait fait la remarque : « Dans de tels cas, on ne pouvait assurer que le cerveau ne soit en partie endommagé ». Julien avait assisté, dans la famille de Maximilien, son ami, aux complications terribles qui suivirent une telle naissance, le sentiment de culpabilité et de honte que vécut la mère, il pensait donc qu'il était sage de se taire. N'y a-t-il pas des secrets à garder toute sa vie ? La transparence totale n'existe pas ; d'ailleurs il avait constaté que plus les gens en parlaient et s'en gargarisaient, plus ils lui paraissaient opaques ! En exigeant toute la transparence, n'allait-on pas provoquer la rechercher de moyens pour la contourner ?


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