jeudi 26 octobre 2017

17 Sable



SABLE

Ce sont les vacances, tous les jours, pas encore d'école. Sur le sable, les doigts courent, dansent, exécutent des arabesques ; des chemins, en virages dangereux, grimpent en zigzags sur des montagnes qui s'affaissent sous les roues des voitures. Des pives marquent la forêt, des herbes les champs, des fleurs de trèfle les potagers.

De jeunes enfants, très jeunes, jouent dans le bac à sable, enserré dans des planches en bois, devenues grises sous les intempéries ; il est construit au fond du jardin, loin de la foule des vacanciers du mois d'août qui se ruent au bord de la mer, tous en même temps.

A quelques pas de là, à l'ombre des châtaigniers, confortablement installés sur des chaises-longues, les parents lisent, bavardent, se reposent de leurs longues journées de travail, sourient en regardant leurs rejetons s'amuser en roulant leur Dinky Toys qui s'ensablent. Heureuse enfance.

Demain, la pluie aura tout effacé.

Pourtant, un jour, je mettrai un bac à sable sur mon balcon et je bâtirai des ponts pour relier, des tunnels pour méditer ; je tracerai de grandes voies lactées pour voyager ; j'ajouterai des maisons pour vivre, des chateaux pour rêver ; j'éparpillerai des pétales de géraniums oranges et rouges pour embellir, j'enfoncerai des feuilles de carottes pour l'ombre d'une forêt, je creuserai un canal, que dis-je, un bisse et me souviendrai...

Prochaine lecture le 3 novembre 2017

vendredi 20 octobre 2017

16 Allo !

ALLO !

000800888... Une voix impersonnelle lui répondit :

  • Pour connaitre les heures d'ouverture presser 1
  • Pour les déchets encombrants presser 2
  • Pour les gravats presser 3

Ce genre de répondeur le rendait nerveux de part la frustration qu'il ressentait de ne pas avoir un interlocuteur au bout du fil. Après 4 et avoir oublié la fonction du 3, il reposa violemment le combiné.

L'après-midi, maussade, trop silencieuse, le poussa à réfléchir : le 1..., le 2... Non aucun d'eux ne correspondait à la question qu'il avait à poser, il recommença :

000800... écouta jusqu'au moment où il entendit : « déchets organiques ». Là, enfin c'était le bon et pressa 8.

  • Pour le gazon presser 1
  • Pour les déchets ménagers presser 2
  • Pour les cendres de bois presser 3

Pendant que défilaient les numéros sans âme, il était resté sans voix, abassourdi, rigidifié. Il raccrocha.

Penaud, il alla se faire un café, décaféiné, pour se calmer et recommença ; tétu, il fallait qu'il sache.

0008... Il écouta, concentré : déchets de jardin, gazon, végétaux, fleurs fanées, plantes de balcon... Enfin, se dit-il, et pressa 4.

Dans un annonymat complet on lui répondit d'une voix métallique : plantes en pot mais sans pot !

Allo !

Parution du prochaine texte le 27 octobre 2'17

jeudi 12 octobre 2017

15 Qui Suis-je ?

15  QUI SUIS-JE ?

Je suis un grain de poussière qui vole dans un rayon de lune, cette feuille de tremble qui se balance dans le soleil au moindre souffle, ce papillon aux ailes fragiles et qui pourtant parcourt 2'000 km sur sa voie migratoire.

Ces chemins qui se croisent à ma naissance et dont je ne puis choisir qu'un seul, suis-je aussi tous les autres, un imbroglio de vies dont je cherche à faire naître la mienne ?

Et ce cri de souffrance que j'entends, il est aussi le mien au milieu de tant d'autres, je ne puis l'ignorer, l'effacer d'un coup de pinceau.

Suis-je cette brillance de grand bonheur que j'ai lu dans vos yeux quand vous m'avez dit : « Ils m'ont tout donné » en parlant des handicapés mentaux auxquels votre vie a été consacrée ? J'ai été ce regard émerveillé de l'enfant qui découvre la beauté de la Terre, celui de mon fils lorsqu'il photographie et que les deux fossettes, les miennes , apparaissent encore sur ses joues.

Peut-être suis-je aussi ces deux colonnes blanches qui m'attendent au seuil d'un nouveau monde de lumière, ou cet ami qui m'a prise tout simplement dans ses bras de tendresse.

Au rythme des pas lents et cadencés des chameaux, je suis cette caravane qui s'allonge comme une ombre sur les sables brûlants et dorés du désert. Le désert, je l'ai lu, est le jardin, d'Allah ; c'est bien là que fleurissent les roses.

Je suis l'océan aux vastes horizons, la montagne qu'il faut conquérir, l'arole solitaire qui domine la vallée, ce pétale de coquelicot qui frissonne au matin.

Alors dites-moi : qui suis-je ?

Prochain texte le 20 octobre 2017



jeudi 5 octobre 2017

14 Le Montreux


photo Monique Gindroz


Photo Monique Gindroz


14 LE MONTREUX

« Le Montreux » accoste, c'est sa première sortie de la saison, ses grandes roues à aubes se sont arrêtées. Une longue file de passager impatients s’engouffre à son bord, quelques uns sont restés en attente fébrile devant les énormes machines qui, lentement, se remettent en route dans leur va-et-vient puissant. Ainsi il y a des amateurs qui sont fascinés par elles : leurs mouvements répétitifs, leurs beautés, perfection d'une ère passée mais entretenue avec ténacité, un peu d'amour certainement, en tout cas avec soin et intelligence. Garder la mémoire de ce qui fut, pour le plaisir de ceux qui sont aujourd'hui.

Longer la côte, les vignes, villages et ports fleuris.Voir, revoir, apaisés, au rythme lent de son déplacement ; fixer le regard, une fois encore, sur les Alpes de Savoie, une trouée sur le Mont Blanc, s'extasier à nouveau de ce lac aux milles reflets violets, turquoises, émeraudes, ardoises. D'un côté les forêts denses, de l'autre les champs ; c'est inépuisable, le ravissement revient à chaque fois lorsque l'on est à son bord.

Se régaler d'un menu gourmand, papoter de tout et de rien avec des connaissances, partager un moment de bonheur avec une amie ; garder en soi les images colorées des toits des maisons, des grandes demeures patriciennes, des châteaux ; laisser couler en soi le chant des sirènes, des soleils couchants, des reflets multiples, de la nuit qui monte. Tout est mélodie, enchantement. Qu'il est beau notre bateau du bleu Léman avec son drapeau rouge à croix blanche dansant à sa poupe, attaché, suivant comme nous, son trajet sans cesse renouvelé.

Il est blanc, la proue longue et fine aux volutes dorées, cheminée haute bordée de noir. Avez-vous visité sa salle à manger belle époque, boiseries en acajou, panneaux aux fleurs de narcisses ? C'est « Le Montreux ».


photo Monique Gindroz




Prochain texte le 13 octobre 2017