samedi 25 novembre 2017

21 Cette Chose-là

21 CETTE CHOSE-LA

Dès mon enfance cette chose-là s'est manifestée : je porte un regard émerveillé sur des petits riens : une toile d'araignée perlée de gouttes de rosée au petit matin, une citelle torche-pot, dos bleuté, ventre jaune, qui descend le long d'un tronc la tête en bas, des fleurs de cerisiers qui s'ouvrent au jour, des graines semées germant au soleil.

La joie dans le coeur, les jambes légères, je ressens tout le pouvoir que cache cette chose-là : des images heureuses, des surprises étonnées, un douceur de vivre, des pensées tournées vers la beauté simple, sans manières outrancières, loin d'une partie du monde devenue si violente. Je sais que celle-ci existe, je suis réaliste, j'ai rencontré des yeux mauvais qui me toisaient et me faisaient plier, mais cette chose-là me fait relever la tête ; elle est puissante, je m'en rends compte aujourd'hui.

En moi, je possède une panoplie d'images qui me donne espoir et confiance. A tout moment je peux les évoquer, les revivre : le hêtre pleureur plus que centenaire courbant ses branches vers le sol dans le parc de l'Hermitage, l'arbousier avec ses fruits jaunes, oranges et rouges découvert par un jour gris d'hiver, les sapins Douglas repérés dans la forêt de Thierrens, une fleur encore à déterminer, des oliviers au milieu des vignes à quelques pas de Villette, la vue inattendue sur le Mont Blanc, une roue de bois entraînée par le bon vouloir du Flon de Carrouge, des champs de colza, de blé, une terre retournée en devenir d'accouchement sans douleurs. La forme mouvementée d'un copeau de bois trouvé par Daniela sur la piste Vita nouvellement aménagée à Mézières me ravit ; je l'est mis au pied de mon thuya, il me fait penser à toutes ces balades enchantées parcourues, partagées avec elle. Un chaud merci à toi, équipière efficace, accompagnatrice attentive, conductrice sérieuse, devenue une amie.

Avec le recul, je constate, avec reconnaissance, que je n'ai pas perdu ce pouvoir d'émerveillement, malgré les aléas des années qui s'ajoutent les unes aux autres. J'ai le temps maintenant de prendre conscience de cette capacité de renouveau, de longue jeunesse d'esprit, transmission de pensées positives, tendresse et réconfort envers ceux auxquels je pense. Ils ne le savent pas, ce n'est pas publié à grands titres à la une des journaux. Pas de grands éclats de voix : juste un murmure ; pas d'annonces fracassantes, pas de milliards dépensés en folie : juste une petite flamme. Et voila que ça passe sur Internet, que cette chose-là est lue à qui veut bien, partout dans le monde; j'ose l'écrire car je commence à en mesurer la force tranquille opposée à la grande agitation de tous ces gens qui courent en tout sens et à contre sens. J'essaie d'en mesurer tout le bien que j'en reçois, transmets tour à tour. Enchantement de ma vie.


vendredi 17 novembre 2017

20 ORDI MON AMI


20 ORDI MON AMI

Vais-je tirer sur la prise pour te faire taire,
ou te jetter par la fenêtre, ordi mon ami ?
Ami... ou ennemi ?

Tu es trop intelligent pour moi, tu me dépasses !
Non tu es stupide, tu ne peux faire que ce pourquoi
tu as été programmé ; tu es incapable d'agir seul, par toi-même.
Après tout je reste ton maître, c'est rassurant.

Recommençons : allumer, cliquer sur copier-coller, ça marche !
Déplacer le curseur, écrire, ajouter une pièce en attaché, envoyer, ça marche !

Jeter la souris dans la corbeille ! Mais non, pas dans la corbeille de l'ordinateur,
celle qui se trouve sous mon bureau, je n'aime pas l'utiliser,
je préfère glisser mon doigt sur... enfin, sur... comment s'appelle cet endroit
rectangulaire devant le clavier, le savez-vous ? Enfin, je veux dire
que c'est un peu comme si je tenais un crayon pour dessiner,
vous comprenez, n'est-ce pas ?

Zattoo affiche : « Mettre à jour Flash Player ».
Kesako ? Vous ne comprenez pas, vous non plus ? Ça me fait plaisir !
On me chante à tout vent, comme la fameuse dent de lion
qui s'égraine sur la couverture du Larousse : demande à Google !

Puis l'une de mes petites filles s'est écriée pleine d'admiration :
Grand-maman est une blogueuse !
Pour entendre cette parole qui fait ma fierté
et me console de tous mes déboires informatiques,
je me dis que cela vaut la peine de persévérer.

Apprendre, corriger, recommencer, ruminer, fulminer,
tempêter, dominer la machine, enfin un programme
qui n'est pas dans l'ordinateur !



Prochain texte le 24 novembre

vendredi 10 novembre 2017

19 RIVIERE

19  RIVIERE

La rivière est aimée des enfants, elle est précieuse pour certains, enterrée par d'autres qui construisent par dessus, mais elle ressort quelque part, inonde le sous-sol des maisons, déborde des digues, creuse des ravins, rempli des lacs. Elle est turbulente, joyeuse, parfois elle murmure, cache dans ses eaux les truites qui se faufilent entres les algues, échappant à l’hameçon.

La mienne vient du plateau, coule tranquillement, confiante, sereine, passe sous l'autoroute, glougloute, s’emballe, creuse les virages ; il a fallu les consolider par des murs de béton ; pourquoi pas de grosses pierres ? Plus esthétiques certainement, plus naturelles surement. Enfin, passons ; tu es si jolie en robe grise, parfois mousseuse, reflétant le vert des arbres qui forment une couronne au-dessus de toi. Tu chantes des mélodies harmonieuses, parfois vengeresses pour qui te veut domestiquer et puis tu te précipites en cascades grondantes vers le Moulin, rabote tes flancs, ressort de cette gorge sombre au milieu des vignes, traverse ce village s'étirant tout en longueur, ses maisons batties les unes derrière les autres, tournées vers les Alpes de Savoie. Après une chute magnifique, admirée des touristes qui viennent gouter les vins, te te perds dans la vastitude d'un Léman aux couleurs irisées, jamais les mêmes.

Ta musique est tendre, faite de rêveries, tu nous berce en espérance de jours meilleurs, nous remet le coeur à l'endroit. Nous aimons t'écouter, tu nous ressource, comme tu le fait pour toi-même, intarissable, comme une éternité. Cette sensation de vie, de renouveau incessant est une bénédiction, parfois une prière, une élévation, une tendresse dans ce monde qui nous entoure. Tranformée, pour un instant, ailleurs, en un étang charmeur, elle nous console, nous apaise. Soudain sa turbulence nous secoue, nous ramène au présent, nous communique sa force, son allant. Une symphonie de sons, de lumières, se joue sur ses rives ombrées, ensoleillées, ouateuses, parfois brumeuses, souvent changeantes. Une symphonie de couleurs qui suivent les saisons, qui reviennent année après année jamais les mêmes.

Ses eaux se sont mélées à celles de ce lac merveilleux, chanté par les poètes, couché en bleus sur la toile par François Bocion. Et, mariée, elle ressort, transformée en fleuve. Immence voyage, petite source de bonheur, jusqu'à la mer. Mes yeux la suivent en pensées, la félicite, approuve son choix magique ; elle transporte la vie partout où elle passe, la rivière a tracé son destin.

Vous pourrez lire le prochain texte dès le 17 novembre 2017 



vendredi 3 novembre 2017

18 UNE VILLE

UNE VILLE

« Il est 5h, Paris s'éveille », ainsi chantait Bénabar, mais cette ville-là n'est pas une capitale, ni même un chef-lieu, une simple bourgade.

Au petit matin, il n'y a pas foule dans les rues de cette petite ville du bord de l'eau ; celle-ci ne s'éveille que vers 6h, moment où commence le ballet bien orchestré des balayeuses municipales. Il faut nettoyer, enlever tout papier, tout carton, boîtes de pizzas par dizaines traînant à tout venant, surtout le lundi matin, enlever aussi le moindre petit mégot de cigarette comme au pinceau, et il y en a de ces mégots : autour des bancs, dans le jardin publique, le long des quais. Et les poubelles débordent, même de bouteilles en verre alors qu'il y a des containers pour celles-ci à proximité. De loin, en regardant tout cet affairement, ce travail de fourmis, on dirait un tableau de l'époque du pointillisme.

Aujourd'hui, les camions, les remorques où sont entassés les cageots pleins de légumes frais et de fruits des vergers d'alentours, sont déchargés sur la Grand'Place ; des trétaux montés sur peids, des tentes déployées, des parasols multicolores ouverts, appellent les ménagères les plus matinales, pressées, attentives aux différences de prix. Plus tard dans la matinée, les badeaux s'y promènent, mains dans les poches, curieux, mais aussi les femmes des belles maisons, coquettes et rieuses, accompagnées de leur servantes, elles font leurs achats ; ce sont de bonnes clientes pour les maraichers, il faut les soigner, son langage également ! Ainsi tous s'imprègnent de l'atmosphère légère, gaie, mouvante, d'une douceur de vivre particulière à cette petite villle. Ce samedi les maraichères ont revetu leur costume folclorique régional, elles attirent les touristes, aussi les amoureux de leur ville, de leurs traditions, c'est le coeur qui parle et puis, n'est-ce pas ici, la ville de la Fête des vignerons ?


Sagement, à 23h, les vitrines se sont éteintes, quelques réverbères éclairent encore la place de la gare devenue silencieuse, les trains ne circulent plus dès cette heure.  Des ombres mouvantes, furtives, hésitantes sur leurs jambes, rasent les murs des maisons, une voiture de police passe sans s'annoncer, ses phares trouent la nuit de deux rayons blafards. Les cafés ferment les uns après les autres, la ville s'endort, paible dans son écrin de vignes.


Prochaine texte le 10 novembre 2017