vendredi 25 septembre 2015

Un euro million : 1 Un euro...





1 UN EURO ...

Elle ne peut plus s'arrêter devant une vitrine, entrer dans un magasin, s'assoir sur une terrasse pour prendre un café, ou tout simplement se promener dans le parc sans que quelqu'un ne l'aborde en lui demandant :

  • C'est donc vrai que tu as gagné 2-3 millions à L'Euro Million ?

Non seulement ça la dérange, lui porte sur les nerfs, mais en plus ils exagèrent sur le montant gagné, ce n'est qu'un million. Enfin c'est beaucoup, alors un de plus ou de moins, quelle différence cela peut-il faire pour eux, franchement ? S'expliquer, comparer les expériences, avec qui ? Avec ceux qui, comme elle, ont vu leur vie basculer du jour au lendemain, bon, mais c'est une chose dont elle n'est pas encore tout à fait consciente. Elle a besoin de réfléchir, d'arrêter que tourne l'horloge, rentrer chez elle, dans le calme de sa maison. Seulement sa maison est pleine de curieux, amis, voisins, inconnus ou peu connus, même ses deux enfants qui pourtant ne se voyaient plus depuis 10 ans.

Se boucher les oreilles, ne plus entendre ces réflexions, parfois suivies d'un soupir :

  • Ah , il faudrait que je refasse le toit de la ferme...
  • J'aimerais envoyer Jacques, ton petit-fils, aux Etats-Unis pour parfaire sa formation...
  • Les affaires vont bien, ce serait le bon moment d'agrandir mon entreprise, qu'en penses-tu ?

Et ces mots dits par l'un de ses proches :

  • Tu sais tu as meilleur temps de tout dépenser car, si tu vas en EMS, ils vont tout te prendre.
Ah ça, elle le sait, elle n'est pas née de la dernière pluie !

Elle aimerait ne plus rien entendre, rien voir, partir au fin fond de la forêt vierge, sur une île déserte, une caverne tout en haut d'une montagne. Oui, mais comment ferait-elle sans ses médicaments ? Allons, se dit-elle, soyons réaliste, il n'y a qu'une solution à ce problème : faire face, dire non, dire oui, haut et clair, préciser ses limites.

Confortée dans ses décisions, elle rentra chez elle et dit à la cantonade :
  • Allez, oust, rentrez chez vous, foutez-moi la paix !

Lourd silence ...

  • Même nous, maman ?
  • Oui, même vous ! Je vous téléphonerai dans quelques jours, quand j'y verrai un peu plus clair .
    Elle sait qu'elle vient d'en vexer certains, d'autres seront déçus, lui tourneront le dos. Il y aura les amis d'avant et ceux d'après, car maintenant il y a un avant et un après.

Enfin seule, elle réfléchit à qui elle va donner le 10% de la totalité de cette manne inattendue car, toute sa vie, elle a procédé ainsi lorsqu'elle gagnait ou recevait une somme imprévue. Voyons, le 10% d'un million, cent mille francs à distribuer, à qui ? Aux femmes du Sahel, aux petits chiffonniers de Manille, à des Institutions suisses aussi et qui sont bien gérées ; se renseigner naturellement car il y a de l'arnaque et des gens pas très honnêtes dans ce domaine.

Et maintenant où mettre cet argent ? Sous le matelas ? Un million, ça fait combien de billets de milles ? Alors les mettre dans une banque, mais laquelle, ne va-t-elle pas faire faillite avec cette histoire des Etats- Unis contre le secret bancaire suisse ? La peur de perdre, voilà une chose qu'elle ne connaissait pas avant. Et puis elle va devoir des impôts, combien  ? Elle fut interrompue dans ses comptes par un « Bang » !


suite de ce récit le 2 octobre 2015



mercredi 16 septembre 2015

Courts récits 3 Saisir l'instant présent

Dès le 18 septembre vous pourrez lire le 3è court récit en cliquant sur "Sciences naturelles".

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Dès le 25 septembre paraîtra un nouveau récit sous forme de feuilleton intitulé "Un euro million". Bonne lecture. 


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vendredi 11 septembre 2015

Courts récits 2 Qui suis-je ?





QUI SUIS-JE ?

Je suis un grain de poussière qui vole dans un rayon de lune, cette feuille de tremble qui se balance dans le soleil au moindre souffle, ce papillon aux ailes fragiles et qui pourtant parcourt 2'000 km sur sa voie migratoire.

Ces chemins qui se croisent à ma naissance et dont je ne puis choisir qu'un seul, suis-je aussi tous les autres, un imbroglio de vies dont je cherche à faire naître la mienne ?

Et ce cri de souffrance que j'entends, il est aussi le mien au milieu de tant d'autres, je ne puis l'ignorer, l'effacer d'un coup de pinceau.

Suis-je cette brillance de grand bonheur que j'ai lu dans vos yeux quand vous m'avez dit : « Ils m'ont tout donné » en parlant des handicapés mentaux auxquels votre vie a été consacrée ? J'ai été ce regard émerveillé de l'enfant qui découvre la beauté de la Terre, celui de mon fils lorsqu'il photographie et que les deux fossettes, les miennes , apparaissent encore sur ses joues.

Peut-être suis-je aussi ces deux colonnes blanches qui m'attendent au seuil d'un nouveau monde de lumière, ou cet ami qui m'a prise tout simplement dans ses bras de tendresse.

Au rythme des pas lents et cadencés des chameaux, je suis cette caravane qui s'allonge comme une ombre sur les sables brûlants et dorés du désert. Le désert, je l'ai lu, est le jardin, d'Allah ; c'est bien là que fleurissent les roses.

Je suis l'océan aux vastes horizons, la montagne qu'il faut conquérir, l'arole solitaire qui domine la vallée, ce pétale de coquelicot qui frissonne au matin.

Alors dites-moi : qui suis-je ?


Prochain court récit le 18 septembre 2015

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vendredi 4 septembre 2015

Courts récits 1 Le cerf-volant





LE CERF – VOLANT

Il se fait papier de soie pour traverser la barrière des astéroïdes, prend la forme d'une étoile pour arriver sur ta planète, il déroule sa corde jusqu'à l'infini pour atteindre les confins de l'Univers, là où tu habites.
Le cerf-volant s'envole par-dessus les murs de la Cité interdite où tu ne pourras pas entrer, il respire la chaleur qui monte en spirales des terres désertiques, court avec les chevaux sauvages dans les plaines immenses.

Revenant, repartant, au gré de mes indécisions ; subitement il se tend et le voila parti vers l'Ouest alors que je le voulais à l'Est, poussé par un courant contraire, irrésistible ... Long voyage, longue absence ... Enfin le voila de retour d'Amazonie, des gouttes tombent de son armature, il pleure la forêt brûlée.

Une onde frémissante parcourt cette corde qui nous relie ; où es-tu, que vois - tu ? A mon tour, je ressens des frissons qui parcourent toute mon épine dorsale et je perçois au loin le son d'une flûte de pan qui s'élève dans la Cordillère des Andes, en prend toute la nostalgie, la hauteur, la solitude immense, démesurée. Emue, j'en ai les larmes aux yeux ; joie du fond des âges, je ris diaphane, en harmonie parfaite avec son rythme, ses notes pures, légères, transparentes comme l'air de ces hauts plateaux.

Pris dans des tourbillons de poussière, il suffoque, affolé
mon cerf-volant au - dessus des «trax », des pelleteuses
déchirant la terre emportée
dans des camions qui roulent entre des tranchées béantes, dans un environnement sans coeur, vide, nu de tout arbre, s'ouvrant sur une vaste mine de cuivre. Il revient tout secoué par cette vision désolante.

Va grand oiseau, virevolte au-dessus des lacs paisibles, écoute le murmure du ruisseau, le grésillement des criquets sur les pentes ensoleillées, regarde ce rouge profond de cet adonis aestivalis , admire ce coucher de soleil.

Un jour ta corde cèdera, tu partiras pour ne plus revenir ; tu seras
arc-en-ciel dans l'azur, espérance d'une âme en voyage vers un autre monde. Te reverrai-je un jour, au-delà du temps ?


prochain court récit le 11 septembre

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