DIVERS



CE MOULIN

Souffle le vent sur la plaine , il y en a toujours dans ce plat pays comme chantait Jacques Brel . Ce vent de mer , ce vent de terre , il doit être fort pour mouvoir ces lourdes ailes rouges ou brunes qui tournent , ce soir , sur un ciel rose-orangé d'un couché de soleil embrasant le paysage .

Il est là , assis au pied du moulin . Il écoute , attentif , le chant du vent , une musique qui l'emporte dans les lointains . Il laisse vagabonder ses pensées et glisser son regard le long du canal . Ces moments de solitude , il les aime , il les attend durant le jour , en jouit pleinement lorsque la nuit monte à l'horizon .

Oh quel est ce bruit ? Des crissements de roues sur le gravier , des portières qui claquent , des flots de paroles qu'il ne comprend pas toujours . Ah non , se dit-il , encore un car de touristes qui arrive , à cette heure si tardive ...

Avec un soupir , il se lève . Il faut bien faire son travail ; après tout il est là pour cela : expliquer à ces étrangers qui visitent son pays , qu'autrefois des centaines de moulins , semblables à celui-ci , tournaient pour actionner des pompes drainant les grands marécage de l'est , pendant que d'autres faisaient fonctionner des scieries .

La nuit est enfin arrivée , elle s'étend tout autour de lui et le silence le berce à nouveau , l'entraîne dans des rêves paisibles , de grande douceur . Quelques temps plus tard , cependant , il finit par quitter son banc ; lentement il ferme la porte du moulin et s'en retourne chez lui , heureux de savoir que demain , les grandes voiles tourneront encore au-dessus de lui .

Françoise Dapples


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Moulin de Sarreyer, Val de Bagnes, Valais









CE MOULIN

En juin 2013, j'étais à Verbier avec ma nièce France. Quand elle a su que j'adore les moulins, elle m'a fait découvrir celui de Sarreyer, mais que de péripéties pour le voir fonctionner ! Sur son portail il était indiqué qu'il ne l'était qu'en août.

France m'invita quelques jours chez elle ce mois-là et nous y retournâmes le vendredi, mais il ne tournait toujours pas ! Après renseignement téléphonique, on nous fit remarquer que la pancarte mentionne : jeudi + dimanche et non jeudi à dimanche comme nous l'avions faussement lue... 

Dans ma voiture, je n'aurai pas oser circuler, de Médières à Sarreyer, sur cette petite route poussiéreuse, étroite, bosselée, rasant la montagne, le vide de l'autre côté. Mais voilà, avec France, pas de problème, on passe partout avec son 4x4, elle connait aussi la région comme sa poche.

Nous y retournons donc une troisième fois, le dimanche. Ah, mais attendez ! Pour débloquer la roue, il faut soulever une grosse poutre de bois. Peine perdue, elle ne bougea pas... Heureusement un jeune homme de passage fit l'affaire. J'eus alors la joie de voir fonctionner ce moulin. Le tronc d'arbre glissa jusqu'aux dents de la scie et je me précipitais dehors pour voir tourner la roue mue par l'eau (photo 1), puis je courrai sous la scierie pour admirer, oui, admirer la sciure y tomber (photo 3), et regarder, en même temps, les courroies entraînant la pierre à écraser les pommes (photo 2), qui ne fonctionne qu'en automne, pour fabriquer un cidre, ma fois, délicieux. Pourquoi j'aime tant regarder ces rouages dentelés, ces engrenages, (photo 4), je n'en sais rien, une énigme de ma vie.

Ensuite, je me précipitais en haut pour photographier la scie en mouvement, oubliant la pierre qui servait à moudre le grain en bas mais, en y arrivant, le moulin s'était déjà arrêté ; il faut économiser ses ans ! 

Merci à ma nièce France pour sa persévérance et ce merveilleux souvenir gravé au fond de mon coeur.



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COURTS RECITS

Ecrit et aquarelle présentés à la Galerie ARVA lors de l'exposition collective "Voyages, Voyages" 
du 28 avril au 18  mai 2016

LE VOYAGE DE  LA HARPE

Ecrit par Françoise Dapples


Notre monde est lumière et ombre, passion secrète, livre ouvert sur l'azur. Il est son et musique telle une harpe tour à tour fluide, légère, enthousiaste, parfois nostalgique ou triste. J'admire l'habileté des doigts qui courent sur ses cordes, les effleurent, piquent les notes, les prolongent, les font cascader. Silence... respiration hors du temps. Les doigts s'agitent, repartent en quintes, accélèrent en allegro, sautent en staccato, reviennent dans l'endente paisible, rêveur, en attente du plus beau, du plus harmonieux, du plus enchanteur, du plus audacieux. Ecoute !

Jusqu'à hier, je voyais tes cordes blanches, un peu translucides ; aujourd'hui je les fais couleur pourpre, cela me ravit, guide mon âme vers des plus hauts. Il faut grandir, se responsabiliser, prendre sur soi  et nous voilà grimpant rayon après rayon sur une échelle dressée pour saisir le bonheur, telle l'émouvante sculpture de l'enfant qui veut cueillir la lune de Sara H.


Pourpre : du bleu dans du rouge. Oui, du violet.
Du turquoise ? Non pas de vert dans le pourpre !
Alors juxtaposons ces deux couleurs.

Je te suis comme une ombre, attaché à toi, ou toi à moi, lorsque tu joues dans de grandioses cathédrales. Alors la couleur de tes cordes se reflète sur les murs de pierre, monte le long des piliers, s'incurve dans les voutes, tinte les vitraux, caresse les visages des auditeurs attentifs. Tu transcendes les âmes, modifies les pensées, les rends plus pures, plus élevées. La modestie, nous la trouvons, toi et moi, dans ces petites chapelles perdues au milieu d'un paturage, au fond d'une vallée, au détour d'un sentier étroit : alors tu ne joues plus que pour moi et nous ne sommes plus qu'un, plus qu'une. Je me sens enveloppé dans un cocon de tendresse tel un plaid soyeux et souple dont je m'entoure les nuits de bise noire. Joie profonde de confort, de bien-être. Ecoute !


Sur le toit du monde où nous sommes arrivés, tes voix sont devenues cristallines, elles glissent sur les glaciers, tournent autour des hauts sommets enneigés, transforment le paysage blanc en une douceur rosée, magique, effaçant les arrêtes, les piques, les gouffres. Tes gammes se répètent d'écho en écho, passent de dièse en bémol, reviennent, essoufflées, soupirantes. « Maintenant, il faut redescendre » chuchotes-tu, dans un dernier accord empreint d'anxiété. « Regarde et viens lui dis-je, place-toi devant moi, bien serrée, ton corps s'appuyant contre le mien ; j'accroche la ceinture ! ». Nous voilà partis : nous dansons, tournoyons, poussés, emportés par la voilure du parapente déployée au-dessus de nous, telle l'aile d'un ange ; elle nous guide et tu laisses les courants jouer avec tes cordes, inventant milles nouvelles fraternités. Nous sommes ivres de bonheur : il n'y a pas de terre plus belle que la notre. Ecoute !




Une secousse : trois fausses notes ! Où atterrissons-nous ? Sur l'ile aux orangers, d'une beauté sublime. De saisissement tu te tais, laisses couler les secondes, les minutes, de petites perles pourprées éclatent dans un ciel bleu, d'un bleu indescriptible, à nul autre pareil ; il faut l'avoir vu ou l'imaginer...

Sur cette ile courent les légendes grecques, l'expansion de l'empire romain, l'écriture arabe, le christianisme apporté par Roger II, premier roi normand de Sicile. Ce mélange de quatre civilisations est fabuleux, à portée du regard, de la main ; on y vit quatre vies, toutes ensembles, dans le même temps ; quatre passés différents, quatre vieux oliviers aux troncs larges, aux branches tordues par la sagesse des années, qui se souviennent, qui impriment à ton chant des mélodies inédites, insoupçonnées, jusqu'alors jamais entendues. Dans l'émerveillement des mosaïques de la chapelle Palatine et de la salle du trone aux décores byzantins, tes notes se sont faites douces, caressantes, enjoleuses. Imperceptiblement, tu frémis de joie, ton coeur de harpe se ralenti, d'une touche tu embrases le paysage, l'embrasses aussi, tu suis des yeux les vignes qui descendent en pentes douces jusqu'à la mer, les champs de blé dur aux jeunes pousses vert tendre à cette saison, nous somme au mois de mars. Et les orangers.

Le bleu du ciel, de la mer, entre les colonnes doriques des temples, ocre-or, un panorama inoubliable ! Ainsi toi et moi, ou moi te poussant, te tirant, nous allons de site en site, marchant au milieu des siècles d'histoire, irradiés de bonheur. Le murmure de la fontaine Artémis nous accompagne encore lorsque nous découvrons le port de Syracuse, imaginant la flottille des bateaux arrivant de la Grèce antique... Glorieuses symphonies de couleurs détachées en croches, doubles-croches, noires et blanches : hauteur, durée, intensité, timbre. Toute musique devient possible pour toi.

Une flute t'appelle, tu l'accompagnes, la transcendes ; questions et réponses s'entremêlent ; les notes se succèdent, ruissellent ; un magicien appelé Mozart a passé par là, transformant ce paysage aride, des dunes de sable qui semblent se succéder à ne plus voir, en vastes cultures de blé, de maïs, de coquelicots. Toi qui protège cette harpe dans son voyage, écoute le chant de la terre !

Puis c'est la mer, embarqués à bord d'un voilier, nous larguons les amarres, hissons les voiles ; tu fais figure de proue, défies les éléments, forte, invincible, glorieuse alors que la flute saute de vague en vague, au rythme, à la cadence donnée par la musique de Mercadente ; tu reprends la mélodie et le tempo, accélère, ralenti, te calme, comme cette vaste étendue d'eau, enfin apaisée après une folle tempete. Des Dauphins, dans leurs costumes bleus-argentés, accompagnent le bateau, font la course avec lui, exécutent une danse d'une chorégraphie stupéfiante ; ils disparaissent subitement, appelés par quelques signes, quelques messages venus des profondeurs océanes. Une lune opale se lève à l'horizon, il est temps de changer de lieu.

Des cliquetis métalliques se font entendre, des étincelles d'argent jaillissent alors que tu dialogues avec les étoiles depuis la Station Spatiale où tu t'es fait une place privilégiée au milieu de tous ces astronomes affairés qui s'arrêtent subitement, tendent l'oreille, écoutent, surpris, cette musique inconnue : « C'est encore plus beau que d'enregistrer les seuls sons intersidéraux de l'univers, disent-ils ». Te voilà parée de guirlandes multicolores sous leurs compliments mérités ; radieuse, tu peux être fière de tes performances, de ton voyage jusqu'aux confins des mondes, au diapason de toute chose qui existe pour notre plus grande allégresse.

Sur la Terre, les hommes ébahis voient le ciel se colorer de pourpre et d'or ; l'ombre d'une harpe immense, sublime, comme suspendue, semblable au divin encore jamais vu, grandit au-dessus d'eux. Ils écoutent, visualisent, à jamais émerveillés par la féérie des sons, la beauté des formes, la magnificence des couleurs chatoyantes et sans fin.



TROIS PORTES OUVERTES

En regardant ces photographies de portes, j'ai vu une vaste cour intérieure avec une fontaine et un arbre en son centre. De nombreuses maisons tout autour se faisaient face avec chacune une porte différente : souriante, rêveuse ou revêche, large, haute, étroite, modeste ou vitrée jusqu'à la taille et cachée par un rideau qu'un habitant tirait de temps en temps pour regarder ce qui se passait dehors. 

Il y avait la « grande maison », comme on l'appelait, bien entretenue, aux fenêtres régulières et un toit à quatre pans à la vaudoise. Un perron de trois marches conduisait à une porte cintrée à double battant. Le tout était cossu, solide, à l'image de ses propriétaires, M. et Mme le Syndic.

A côté deux maison basses à petites portes en chêne sculpté, puis venait celle de mon ami Victor, étroite et haute de trois étages, mais attention, lorsque j'en ouvrais la porte, je devais descendre d'abord au sous-sol avant de pouvoir monter dans la cuisine. A-t-on idée de commencer par la cave ! Au-dessus il y a le vieux salon aux fauteuils usés, puis la chambre à coucher, enfin son atelier au troisième où j'arrivais toute essoufflée. Dans les combles étaient entreposées dans un désordre total une multitude de toiles, achevées ou non. Mon ami était peintre. Il était connu et apprécié dans tous les environs car il peignait des maisons villageoises, brossait des paysages, des champs de blés, de maïs, des terres labourées, des coquelicots au bord des chemins qui faisaient chavirer mon coeur, moi qui peignais des fleurs.

Nous vivions maritalement de temps à autre, vous permettez, parfois chez lui, parfois chez moi. J' habitais la maison de mes parents, tout au bout de notre gros bourg de 4'000 habitants. Ma porte d'entrée était encadrée de vignes vierges qui tournaient au rouge lie de vin en automne.

Hier, j'ai rencontré les deux jumelles se donnant le bras, comme d'habitude, les cheveux gris-blancs sortant d'un chapeau démodé. Elles aussi habitaient dans la même cour que Victor. Ah leur porte, quel charme ! Un vieux lilas mauve lui faisait de l'ombre, une ribambelle de pots, carrés, ronds, rectangulaires, en terre cuite ou vernissée de vert, d'où jaillissaient des géraniums, des pétunias, myosotis et bois gentil, des iris, glaïeuls et jonquilles, qui poussaient à la va comme tu veux, mais qui tout de même, fleurissaient en respectant les saisons.

Venais ensuite une porte de bois mangée par le temps, avec un loquet et peinte en bleu vif. Je ne l'ai jamais vue ouverte... Plus loin, une bâtisse de guingois qui s'appuyait sur des pierres de tailles, probablement une annexe de la ferme d'à côté, et sa porte en fer forgé, très lourde, incongrue dans cet environnement. Derrière, on entendait se disputer un très jeune couple, surtout la nuit quand les fenêtres étaient ouvertes. 

A gauche de la ferme, il y avait une triste maison abandonnée, les fenêtres occultées par des planches et sa porte condamnée à triple tour par trois serrures et un gros cadenas. Dans le bourg on murmurait qu'il y avait là, derrière, une trouble histoire d'héritage.

Ma porte préférée était celle qui était couverte de carreaux de verre de toutes les couleurs. Le matin, vers 11 heures, lorsque le soleil la caressait de ses rayons, il faisait ressortir ses teintes bleue, jaune, magenta et turquoise, même violette. Le soir, éclairée de l'intérieur, la porte déposait un arc-en-ciel sur le sol. Parfois, une petite fille blonde, robe rose, sortait ses ours en peluche, elle les alignait devant la porte ou les promenait dans une poussette cahotante sur des roues de bois.

Aujourd'hui il n'y a plus guère d'enfants qui jouent dans cette cour, shootant ou dribblant un ballon, se cachant des uns et des autres, se giclant avec l'eau si froide de la fontaine. Ils sont, je pense, derrière ces portes fermées, pianotant sur leur Nitendo, Hiphon, Hipod ou je ne sais quelle tablette. Le clavier me rendant idiote, je préfère reprendre mes pinceaux. Un jour, peut être, reviendrai-je dans cette cour et mettrai-je du blanc et de l'ocre gold sur les façades, y accrocherai-je des volets aux tons irisés, les recouvrirai-je de toits aux courbes extravagantes, y dessinerai-je des girouettes en forme de coq, de flèche, d'étoile. J'y mettrai trois portes, trois portes ouvertes, l'une pour toi et moi, l'autre pour les personnes tant aimées et la troisième pour les voyageurs inconnus qui s'y arrêteront ; trois portes ouvertes pour un grand bonheur.



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LES PIERRES

Près de Pontresina, photo de Gabrielle von Kaenel

Les falaises de basalte

Ardèche

Ardèche

Ardèche


Piste Vita, La Croix sur Lutry






Le long du bisse du Levron, Verbier

















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