C'est
écolo et bien pensant de laisser une bande de terrain en friche
autour des champs cultivés et, au sud des siens, Julien avait planté
des arbustes : noisetiers, cornouillers, épineux, une haie vive
et diversifiée ; puis devant une rangée d'érables à pousse
rapide ; pour cet ensemble il avait reçu un subside de
l'Arrondissement puisqu'il avait fait foi de remplacer les arbres
abattus dans ses champs afin que les machines, de plus en plus
grosses, puissent passer. Il avait laissé un espace de 10m avant la
rigole qui le séparait de son voisin. Là, il avait creusé un trou
de 3m de long sur 2 de large, à titre d'essai, pour voir. L'eau y
stagnait... il faudrait la pomper... la filtrer aussi s'il voulait
l'utiliser comme eau d'arrosage et faire valoir ses droits à une
contribution de l'état. Trop d'investissements, sans rendement et le
tout à la charge de son entreprise agricole. Une chose en entraînant
une autre, il a créé un étang allongé devant les érables ;
il faudrait analyser l'eau en prévision de... chut, silence, le but
principal, il ne l'avait confié à personne... C'était en 2000 et
quelques, des articles élogieux avaient paru sur lui dans les
journaux et il avait été félicité par le Préfet.
Julien
se dit à voix basse qu'il avait vu venir le vent (c'est le cas de le
dire...) Ce groupe « Ecochamp », dont il était l'un des
piliers, avait commencé à se disputer : les purs et durs, les
plus souples contre les plus violents, puis le départ par la petite
porte de Marci qui avait semé (c'est le cas de le dire aussi...)
autre chose que le doute. Il parlait d'OGM, de PGM... Maintenant il y
était acquis, pourrait-on dire, vendu, qui sait ? Il avait
commencé une culture de maïs transgénique, malgré nos conseils
contraires, et cela dans le champ qui bordait le sien, au sud, le
long de la rigole. Et voilà, Julien, une fois de plus, avait vu
venir les choses et, avec cette barrière d'arbres, il avait protégé
le mieux possible ses récoltes contre le pollen, issu du génie
génétique et transporté par le vent. « Hélas », se
dit-il, « mes prévisions se sont avérées parfaitement
justes ». La raison de son silence était de ne pas attirer
l'attention trop tôt sur lui et pouvoir manoeuvrer librement. Il fit
analyser l'eau de son étang pour voir si elle contenait du pollen de
plantes OGM mais cela ne servit à rien car le pollen de ses propres
champs y était mélangé, donc aucune preuve. Il renonça à cette
idée mais garda l'étang.
Niangha, encouragée par
Julien, avait suivi les cours du Lycée agricole de Vionay et prit
la responsabilité des cultures maraîchères ainsi que leur vente
sur les marchés environnants. Elle avait appris que semer
directement dans les résidus de la récolte précédente, appelé
« le semi direct », sans labourer au préalable, limitait
l'érosion du sol et une certaine perte en carbone. C'était une
ancienne façon de procéder qui avait été perdue au profit des
grandes cultures. Ainsi fut fait, moins de travail et un petit
bénéfice supplémentaire qui fut versé chaque année au compte de
l'Association Semences-Tradition qui ouvrit des stands lors de fêtes
villageoises en proposant livres, DVD, semences traditionnelles, aide
et conseils aux paysans et aux cultivateurs amateurs de petits
potagers. (Voir Kokopelli à Bretonnières, Vaud).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire