vendredi 16 janvier 2015

Domaine Le Patriarche : 2 De l'écologie


C'est écolo et bien pensant de laisser une bande de terrain en friche autour des champs cultivés et, au sud des siens, Julien avait planté des arbustes : noisetiers, cornouillers, épineux, une haie vive et diversifiée ; puis devant une rangée d'érables à pousse rapide ; pour cet ensemble il avait reçu un subside de l'Arrondissement puisqu'il avait fait foi de remplacer les arbres abattus dans ses champs afin que les machines, de plus en plus grosses, puissent passer. Il avait laissé un espace de 10m avant la rigole qui le séparait de son voisin. Là, il avait creusé un trou de 3m de long sur 2 de large, à titre d'essai, pour voir. L'eau y stagnait... il faudrait la pomper... la filtrer aussi s'il voulait l'utiliser comme eau d'arrosage et faire valoir ses droits à une contribution de l'état. Trop d'investissements, sans rendement et le tout à la charge de son entreprise agricole. Une chose en entraînant une autre, il a créé un étang allongé devant les érables ; il faudrait analyser l'eau en prévision de... chut, silence, le but principal, il ne l'avait confié à personne... C'était en 2000 et quelques, des articles élogieux avaient paru sur lui dans les journaux et il avait été félicité par le Préfet.

Julien se dit à voix basse qu'il avait vu venir le vent (c'est le cas de le dire...) Ce groupe « Ecochamp », dont il était l'un des piliers, avait commencé à se disputer : les purs et durs, les plus souples contre les plus violents, puis le départ par la petite porte de Marci qui avait semé (c'est le cas de le dire aussi...) autre chose que le doute. Il parlait d'OGM, de PGM... Maintenant il y était acquis, pourrait-on dire, vendu, qui sait ? Il avait commencé une culture de maïs transgénique, malgré nos conseils contraires, et cela dans le champ qui bordait le sien, au sud, le long de la rigole. Et voilà, Julien, une fois de plus, avait vu venir les choses et, avec cette barrière d'arbres, il avait protégé le mieux possible ses récoltes contre le pollen, issu du génie génétique et transporté par le vent. « Hélas », se dit-il, « mes prévisions se sont avérées parfaitement justes ». La raison de son silence était de ne pas attirer l'attention trop tôt sur lui et pouvoir manoeuvrer librement. Il fit analyser l'eau de son étang pour voir si elle contenait du pollen de plantes OGM mais cela ne servit à rien car le pollen de ses propres champs y était mélangé, donc aucune preuve. Il renonça à cette idée mais garda l'étang.

Niangha, encouragée par Julien, avait suivi les cours du Lycée agricole de Vionay et prit la responsabilité des cultures maraîchères ainsi que leur vente sur les marchés environnants. Elle avait appris que semer directement dans les résidus de la récolte précédente, appelé « le semi direct », sans labourer au préalable, limitait l'érosion du sol et une certaine perte en carbone. C'était une ancienne façon de procéder qui avait été perdue au profit des grandes cultures. Ainsi fut fait, moins de travail et un petit bénéfice supplémentaire qui fut versé chaque année au compte de l'Association Semences-Tradition qui ouvrit des stands lors de fêtes villageoises en proposant livres, DVD, semences traditionnelles, aide et conseils aux paysans et aux cultivateurs amateurs de petits potagers. (Voir Kokopelli à Bretonnières, Vaud).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire