vendredi 16 janvier 2015

Domaine Le Patriarche : 1 Rencontre au Bout du monde


Son Opinel à la main, que faisait Julien assis devant ces caisses de fruits, de légumes ? Il prenait la température du marché, observait les habitudes des acheteurs, notait dans sa mémoire à quel stand il y avait le plus de monde et en cherchait les raisons ; plus tard cela lui servirait.

Sous son vieux chapeau de paille qu'il portait depuis des années, avec ses mains larges mais soignées, sa polaire bordée de violet de la même couleur que son pull, une coquetterie, Julien n'était certainement pas un ouvrier agricole, plus surement un propriétaire terrien.

Un bon sourire frisait ses lèvres. Il se voyait déjà bien loin de sa Normalie natale. A 50 ans, il avait décidé de voir le monde, comprendre comment d'autres peuples cultivaient leurs champs, encouragé par ses amis désireux de le voir secouer sa tristesse voilée. Attiré par les rizières en terrasses, deux récoltes abondantes par an, le voilà au Népal, dans une haute vallée, profonde, fraîche et dans ce gros village par journées de fêtes, danses, costumes traditionnels. Elle était là, si jeune, si belle avec sa longue chevelure noire et toute sa grâce, dans son gilet noir brodé de couleurs vives, laissant apparaître les manches rouges aux poignets entourés de noir de sa blouse ; on aurait dit qu'elle dansait pour lui, rien que pour lui. Ils se regardèrent, se sourirent, le contact était pris. Ils se revirent ; de loin, elle repiquant les pousses de riz dans une jupe bet un corsage bleu, un bandeau vert retenant ses cheveux ; de plus près, sur la terrasse de la petite auberge accrochée au pan de la montagne.

Puis une nuit, elle entra dans sa chambre. Il la serra dans ses bras, ils se caressèrent ... « Oh tu es vierge » lui murmura-t-il, il eut une hésitation, mais elle le serra plus fortement contre elle. Le langage du corps est le même sous toutes les latitudes.

Niangha quitta tout pour le suivre, enceinte, heureuse et confiante dans le beau visage doré par le soleil de Julien qui sentait si bon l'Eau de Cologne. De retour dans ce qui allait devenir son chez elle, à elle aussi, il lui fit visiter son domaine. Arrivés devant les champs de poireaux qui semblaient s'étendre à perte de vue, elle s'élança entre les lignes cultivées, les tirant prestement hors de terre. Ce faisant, elle avançait deux fois plus vite que les autres femmes qui s'y appliquaient et eut tôt fait de ranger les poireaux dans les caisses de bois, par simple imitation. Sans aucun doute ce travail lui rappelait les rizières de son pays lointain.

Julien pointa le doigt en direction de son ventre, Niangha se mit à rire, puis fut imitée par toutes les autre femmes présentes ; elles se comprenaient. Ainsi, déjà, elle était adoptée et même respectée, non seulement parce qu'elle était la femme du patron, mais aussi pour sa dextérité et un « on ne savait quoi » de fort, une autorité innée.

Julien était ravi en son fort intérieur car il était convaincu d'avoir enfin trouvé celle qu'il voulait pour devenir la responsable de ses cultures maraîchères, il y veillerait. Il avait toujours su mettre la bonne personne à sa juste place, l'un de ses secrets et certainement celui de sa réussite. Niangha avait accepté le fait de ne pas pouvoir l'épouser, il lui avait dit dès le début qu'il était déjà marié et que sa femme avait disparu. Elle avait alors remarqué un nuage gris passer sur son front. La regrettait-il ? Plus tard elle comprit qu' Esther était partie avec leur fils Greorg, alors âgé de 11 ans ; c'était lui qui manquait tant à Julien. Niangha sentit son coeur se serrer et fut plus heureuse encore de la venue tout soudain de leur premier enfant ; elle comptait bien en avoir encore beaucoup d'autres. L'avenir s'annonçait radieux.



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