Les premières années
qui suivirent sa décision, Marci était heureux de son succès :
sa production de maïs OGM avait doublé, ses bénéfices également
grâce au fait qu'il semait directement sans avoir à labourer et
qu'il utilisait beaucoup moins de désherbant, soit un gain de temps
et de mains d'oeuvre. Cependant il venait de remarquer l'apparition
de mauvaises herbes plus résistantes qu'il fallut arracher à la
main. Il les avait montrées à son copain botaniste qui était resté
coi devant la vision de ces racines en étoile et de cette tige si
robuste, presque du bois, du jamais vu. Intrigué, il était venu sur
place et avait fait des recherches qui n'avaient abouti à rien. Une
plante hybride avait-il dit, croisement entre une dent de lion et une
rave peut-être, mais Marci ne cultivait pas de raves, c'était son
voisin Julien qui le faisait, raison de plus pour fulminer contre
lui, il fallait bien qu'il passe sa colère sur quelqu'un, trouve un
responsable autre que lui.
Les semences hybrides
étant quasiment stériles, Marci en rachetait chaque année à des
prix très bas. Aujourd'hui celles-ci avaient presque doublé, ses
bénéfices étaient à revoir à la baisse. Et ce diable de Julien
qui avait obtenu qu'il recule ses cultures de 100m au delà des
siennes, voilà qui diminuait sa surface cultivable. Que pouvait-il
faire ? Il était lié par contrat au marchand grainier, pour 20
ans. Dans son enthousiasme et sur le moment, il n'avait pas voulu
voir cette échéance qui ne lui paraissait pas si lointaine et qui
le liait au bon vouloir du marchand.
Marci avait beaucoup
insisté pour que son aîné travaille avec lui. Le succès lui
était-il monté à la tête ? Il se baladait en grosse
limousine jaune pétante, de quoi attirer quelques « mouches » !
Etait-il fanfaron, prétentieux ? A qui ressemblait-t-il ? Dès
lors le père avait orienté ses cadets vers d'autres professions.
Aimy était boulangère. Il n'était pas rare qu'elle quitte la ferme
à 4h le dimanche matin pour aller préparer les tresses à enfourner
une heure plus tard pour être prêtes, encore légèrement tièdes,
à 7h, au sortir de la messe. En voila une qui était travailleuse ;
ne serait-elle pas attirée par Greorg ? Il avait remarqué
qu'elle rougissait en l'apercevant, cependant tout les sépare.
Comprends-tu, chère petite fille, que c'est sans espoir ? Oui,
car elle était partie vivre à Isogny et travaillait pour son oncle
qui a une boulangerie.
De revers en revers,
Marci abandonna ses terres, mit la clé sous le paillasson et partit
rejoindre, en Argentine, son aîné qui y faisait de la
culture intensive de
soja. Son cadet, dès son école de gestion terminée les y
rejoindrait. Le domaine resta à l'abandon et fut mis en vente.
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