Des trois enfants qu'il
eut avec Niangha, la deuxième, Olingha, malgré son prénom
népalais, était celle qui lui ressemblait le plus physiquement.
Cheveux blonds et raides, les épaules larges, un peu trop pour une
fille disaient certains, de taille moyenne. Elle était très habile
de ses mains, non seulement elle savait tenir un pinceau, avait pris
quelques cours de dessins, mais elle démontra à son père qu'elle
manipulait avec adresse la multitude de petits outils qui s'entassait
dans l'atelier. C'est là que Julien rangeait sa collection, ponçait
au papier de verre, teintait à la brou de noix, faisait briller les
bagues en laiton.
Le jeudi, jour de congé
scolaire, Olingha venait l'y rejoindre, appliquée, se penchait et,
avec une peau de chamois, elle donnait du lustre à ceux qui avaient
été passés à la cire d'abeille. Elle aimait les toucher, en
suivre du doigt le pourtour, mettre de l'ordre sur les étagères,
dérangeant l'approximatif de son père, les groupant selon leur
genre, leur spécificité quand il y avait des étiquettes, variant
les formes, les grandeurs. Julien laissa faire et découvrit au bout
du compte que tous ces objets avaient été mis en valeur.
Sa fille lui posait
maintes questions et, ne sachant pas toujours y répondre, il acheta
des livres sur les outils selon les professions, une encyclopédie
des outils anciens, d'artisanats disparus aujourd'hui. Ensemble ils
partaient faire la tournée des fermes, des manufactures, les foires
de brocanteurs, les petites boutiques, même les forgerons, les
tapissiers, ébénistes,
zingueurs. Julien était très connu partout et il introduisit sa
fille auprès d'anciens amis, de fermiers et tant d'autres. Il
adorait avoir cette jeune présence à ses côtés, une véritable
complicité qui les poussait tous deux vers un certain
perfectionnisme. Au contacte de son père, elle apprit beaucoup de
choses à son sujet, dont ce souvenir à jamais gravé dans sa
mémoire : Quand il faisait son école d'agriculture
et qu'il avait soumis son dossier pour faire un stage, on lui avait
fait remarquer qu'il devait apprendre à se vendre. Il avait
répondu : « Jamais je ne me vendrai, je ne suis pas une
marchandise ni un esclave, mais un homme libre, je suis fier de
l'être et de le rester ! »
Après sa scolarité,
Olingha eut l'idée d'ouvrir une échoppe à Yvory où elle vendait
ces outils. Puis elle créa une chaîne de magasins qu'elle nomma
« Olingha Outils Ô », que tout le monde appela « Oh
O Ô », ou tout simplement « Les trois O » Elle engagea
des vendeuses, plus un jeune menuisier qui travailla pour elle à
l'atelier du Domaine Le Patriarche. L'avenir était déjà présent !
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