UNE VILLE
« Il
est 5h, Paris s'éveille », ainsi chantait Bénabar, mais cette
ville-là n'est pas une capitale, ni même un chef-lieu, une simple
bourgade.
Au petit
matin, il n'y a pas foule dans les rues de cette petite ville du bord
de l'eau ; celle-ci ne s'éveille que vers 6h, moment où
commence le ballet bien orchestré des balayeuses municipales. Il
faut nettoyer, enlever tout papier, tout carton, boîtes de pizzas
par dizaines traînant à tout venant, surtout le lundi matin,
enlever aussi le moindre petit mégot de cigarette comme au pinceau,
et il y en a de ces mégots : autour des bancs, dans le jardin
publique, le long des quais. Et les poubelles débordent, même de
bouteilles en verre alors qu'il y a des containers pour celles-ci à
proximité. De loin, en regardant tout cet affairement, ce travail de
fourmis, on dirait un tableau de l'époque du pointillisme.
Aujourd'hui,
les camions, les remorques où sont entassés les cageots pleins de
légumes frais et de fruits des vergers d'alentours, sont déchargés
sur la Grand'Place ; des trétaux montés sur peids, des
tentes déployées, des parasols multicolores ouverts, appellent les
ménagères les plus matinales, pressées, attentives aux différences
de prix. Plus tard dans la matinée, les badeaux s'y promènent,
mains dans les poches, curieux, mais aussi les femmes des belles
maisons, coquettes et rieuses, accompagnées de leur servantes, elles
font leurs achats ; ce sont de bonnes clientes pour les
maraichers, il faut les soigner, son langage également ! Ainsi
tous s'imprègnent de l'atmosphère légère, gaie, mouvante, d'une
douceur de vivre particulière à cette petite villle. Ce samedi les
maraichères ont revetu leur costume folclorique régional, elles
attirent les touristes, aussi les amoureux de leur ville, de leurs
traditions, c'est le coeur qui parle et puis, n'est-ce pas ici, la
ville de la Fête des vignerons ?
Sagement, à
23h, les vitrines se sont éteintes, quelques réverbères éclairent
encore la place de la gare devenue silencieuse, les trains ne
circulent plus dès cette heure. Des ombres mouvantes,
furtives, hésitantes sur leurs jambes, rasent les murs des maisons,
une voiture de police passe sans s'annoncer, ses phares trouent la
nuit de deux rayons blafards. Les cafés ferment les uns après les
autres, la ville s'endort, paible dans son écrin de vignes.
Prochaine texte le 10 novembre 2017
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