19 RIVIERE
La rivière est aimée
des enfants, elle est précieuse pour certains, enterrée par
d'autres qui construisent par dessus, mais elle ressort quelque part,
inonde le sous-sol des maisons, déborde des digues, creuse des
ravins, rempli des lacs. Elle est turbulente, joyeuse, parfois elle
murmure, cache dans ses eaux les truites qui se faufilent entres les
algues, échappant à l’hameçon.
La mienne vient du
plateau, coule tranquillement, confiante, sereine, passe sous
l'autoroute, glougloute, s’emballe, creuse les virages ; il a
fallu les consolider par des murs de béton ; pourquoi pas de
grosses pierres ? Plus esthétiques certainement, plus
naturelles surement. Enfin, passons ; tu es si jolie en robe
grise, parfois mousseuse, reflétant le vert des arbres qui forment
une couronne au-dessus de toi. Tu chantes des mélodies harmonieuses,
parfois vengeresses pour qui te veut domestiquer et puis tu te
précipites en cascades grondantes vers le Moulin, rabote tes flancs,
ressort de cette gorge sombre au milieu des vignes, traverse ce
village s'étirant tout en longueur, ses maisons batties les unes
derrière les autres, tournées vers les Alpes de Savoie. Après une
chute magnifique, admirée des touristes qui viennent gouter les
vins, te te perds dans la vastitude d'un Léman aux couleurs irisées,
jamais les mêmes.
Ta musique est tendre,
faite de rêveries, tu nous berce en espérance de jours meilleurs,
nous remet le coeur à l'endroit. Nous aimons t'écouter, tu nous
ressource, comme tu le fait pour toi-même, intarissable, comme une
éternité. Cette sensation de vie, de renouveau incessant est une
bénédiction, parfois une prière, une élévation, une tendresse
dans ce monde qui nous entoure. Tranformée, pour un instant,
ailleurs, en un étang charmeur, elle nous console, nous apaise.
Soudain sa turbulence nous secoue, nous ramène au présent, nous
communique sa force, son allant. Une symphonie de sons, de lumières,
se joue sur ses rives ombrées, ensoleillées, ouateuses, parfois
brumeuses, souvent changeantes. Une symphonie de couleurs qui suivent
les saisons, qui reviennent année après année jamais les mêmes.
Ses eaux se sont mélées
à celles de ce lac merveilleux, chanté par les poètes, couché en
bleus sur la toile par François Bocion. Et, mariée, elle ressort,
transformée en fleuve. Immence voyage, petite source de bonheur,
jusqu'à la mer. Mes yeux la suivent en pensées, la félicite,
approuve son choix magique ; elle transporte la vie partout où
elle passe, la rivière a tracé son destin.
Vous pourrez lire le prochain texte dès le 17 novembre 2017
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