4 UN CHEQUE
Environ trois semaines
auparavant, Laure se trouvait à la Française des Jeux avec son
billet gagnant et sa carte d'identité. Assis en face d'elle un homme
costume-cravate, maigre, tiqueux, le cheveu rare, lui présenta son
chèque en même temps qu'un psychologue qui avait pour mission de la
mettre en garde des risques qui l'attendaient :
« Vous allez
recevoir une pléthore de lettres d'amour, de haine, on vous
proposera le mariage, on se fera passer pour un membre lointain de la
famille en difficulté, vous recevrez des demandes d'argent par
exemple pour une enfant gravement malade. Poussée par la cupidité,
la convoitise et la jalousie, l'imagination ne connait pas de borne
dans son inventivité : ruse, mensonges, trahison provoquant des
drames, un divorce, vos enfants voudront leur part, vous pourriez
faire une dépression, le suicide est bien connu dans ce genre de
situation. Je vous rends attentive à ceci : l'argent qui arrive
ainsi subitement, peut repartir tout aussi vite et le détenteur se
retrouve même avec des dettes, une situation pire qu'au paravant.
Tout en écoutant, Laure
tournait et retournait son chèque entre ses doigts, prenant
lentement conscience du danger qu'il représentait. Elle avait
entendu parlé de ce mari qui avait disparu, emportant le chèque ;
et de cette femme, mariée sous le régime de la communauté de
biens, qui ne pouvait rien en toucher sans le consentement de son
mari, elles en avaient bien ri au Chit Chat ! Laure s'imaginait
sortant de là son chèque enfoui tout au fond de son sac serré sous
son bras, bousculée, recevant un coup et se le faisant voler, ce
chèque de toutes les folies ouvertes. La peur lui fit dire :
- Je ne veux pas de ce chèque et le tendit à l'homme présent qui, surpris, ébahi, se recula.
- Non, je ne vous le donne pas, je veux simplement que vous versiez cet argent sur mon compte en banque, c'est trop dangereux de le garder sur moi, surtout après tout ce laïus. Comment se fait-il que vous ne le proposiez pas d'emblée ?
- La coutume, c'est le chèque. Si le gagnant veut une autre forme de paiement, il faut qu'il le dise.
- Et bien c'est ce que je fais.
- Vous comprenez, si je vous verse cette somme sur votre compte, vous devrez payer 35 % d’impôt anticipé.
- Et vous pensez qu'avec un chèque, je pourrai passer entre les goutte du fisc, comme si personne n'allait le savoir ?
- C'est de votre responsabilité, à chacun son choix, fit l'homme costume-cravate.
Ah la bureaucratie, pensa
Laure, on ne réfléchit pas, on exécute les ordres venant
d'en-haut, même les plus bêtes, un point c'est tout.
Cependant, il fut fait
selon son désire.
Suite le 23 octobre 2015
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