vendredi 5 juin 2015

Une cave-un galetas 11 : Douce soirée


C'est une douce soirée de la mi-septembre, dans la prairie laissée au naturel, les grillons se sont tus ; les vignes tirées au cordeau s'éloignent en mouvance sur un terrain vallonné et disparaissent dans un creux profond ; un champ laissé en friche se repose, respire comme une aquarelle, au loin le pied des montagnes roussissent, les forêts d'épicéas virent dans un ton de vert très sombre, par jeu des couleurs. Le sommet des montagnes rosi, se pare d'orange indien, juste un fugace instant. Le soleil baisse à l'occident, va disparaître derrière la rondeur de la terre pour éclairer d'autres continents, d'autres océans.

Les érables lancent des flammes éphémères, s'éteignent ; les feuilles des cerisiers ont pris une couleur cramoisie, transparente, éclairées de dos, puis se fondent dans la nuit. Les ombres se sont allongées, les jours, déjà, sont plus courts.

Sur la terrasse, les lanternes aux bougies oranges sont allumées, Madelon a apporté un plateau de rissoles à la viande, toutes chaudes avec une bouteille de rosé d'Anjou, et après leur avoir souhaité une bonne soirée, elle se retira. Pris par la beauté changeante du paysage, Marie-Ange et Armand étaient restés silencieux ; couchés côte à côte sur des transats, ils se tenaient la main, la serrant de temps à autre. Trois nuits plus tôt, Marie-Ange avait placé la main d'Armand sur son ventre, l'y avait promenée. Lui, décidément, ne comprenant rien à rien, il fallut qu'elle lui dise : « je suis enceinte ». La main d'Armand, comme électrifiée, se retira précipitamment et il resta sans voix.

  • Dans la folie qui a précédé et suivi le vernissage, j'ai dû oublier de prendre la pilule.
  • Je croyais mes minis spermes stériles, ou tout au moins très peu actifs.
  • Que faisons-nous Armand. Vous avez 49 ans, j'en ai 4 de moins, est-ce dangereux à mon âge d'avoir un enfant ? Et le voulons-nous vraiment ?
  • La décision vous appartient en premier, c'est vous qui allez le porter et le mettre au monde. Un avortement reste toujours un traumatisme pour la femme, quoiqu'on en dise. De mon côté cette idée me ravit, ne trouvez-vous pas que cette maison est un peu trop grande pour nous seuls ?
  • Il me semble que vous avez déjà choisi. De mon côté ce qui me retient c'est peut-être la différence d'âge avec mon fils. Quelle scène va-t-il me faire s'il pense à l'héritage à partager, et il y pensera.
  • Excusez-moi, mon coeur, de vous parler ainsi : il est temps de votre part, de prendre vos distances par rapport à Alain. Un petit être fragile duquel vous occuper serait salutaire, je pense.
  • J'espère qu'il vous ressemblera.
  • Pas trop tout de même, et si c'est une fille, je préférerai qu'elle irradie votre beauté, je vous aime mon coeur.
  • Flatteur ! Je vous aime aussi.

Et en même temps, tous deux se dirent l'un à l'autre : « Alors pourquoi ne pas garder ce fruit de notre amour ». Ainsi, 7 mois plus tard, naquit Angelina.





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