Marie-Ange et Armand
traversèrent le vaste jardin, descendirent jusqu'au vieux pigeonnier
en briques rouges, sans pigeons, transformé en cabane à outils,
entouré d'une palissade faite de planches de bois, recouverte de
tôles ondulées sous lesquels étaient rangés des troncs sciés,
des branches coupées, deux enclos de compostage, une poubelle verte,
des sacs de plâtre. Ils longèrent un muret de pierres à demi
enfoui sous un lierre vigoureux et derrière se découvrit une grande
baraque en bois, basse, toute en longueur, une grande porte à deux
battants : c'était
l'atelier de Marie-Ange,
quasiment invisible de la maison.
A l'intérieur deux gros
poêles ronds, des bûches entassées à côté, trois tables ovales
recouvertes de pinceaux, brosses, tubes de couleurs, petits pots
divers, spatules de toutes formes, de toutes largeurs, crayons,
stylos, des livres empilés les uns sur les autres, probablement
juste utilisés puisque la bibliothèque, derrière, en était
pleine. Des fenêtres des deux côtés, plus deux lampadaires à
réflecteur et sur roulettes qui diffusaient une bonne lumière. Là
encore, sur trois larges rayons, un entassement de dessins de toute
grandeur, des canevas vierges, des papiers, des carnets. A gauche de
la porte, se trouvaient plusieurs dizaines de toiles appuyées les
unes contre les autres.
- J'avais commencé à trier et à mettre de côté une série de copies de maîtres pour les porter à incinérer, mais je n'ai pas eu le courage ni la force de continuer.
Armand allait proposer de
les emporter mais fut coupé dans ses réflexions par cette voix si
charmeuse qui lui disait de la rejoindre dans la pièce attenante ;
là, il fut surprit par l'accumulation du nombre de toiles
entreposées. Ils s'assirent sur deux chaises branlantes, assommés
par l’ampleur du travail qui les attendaient s'ils voulaient faire
disparaître les preuves qui pourraient se retourner contre
l'auteure.
- Il y en a beaucoup trop, nous nous ferions remarquer si nous commencions à les déménager ou à les détruire ; le faire pourrait se retourner contre vous, des témoins, en y mettant le prix, on en trouve toujours. En y réfléchissant, puisque ce n'est pas possible de tout cacher, en craignant d'en avoir oubliés, alors faisons le contraire : mettons tout cela au devant de la scène. Pourquoi n'en feriez-vous pas une exposition dans votre galerie ? Prendre les devants est toujours la meilleure tactique.
- Je pourrais reprendre quelques anciennes peintures inachevées et y rajouter quelque chose de mon cru, comme vous me l'aviez suggéré.
- Excellent !
- Pour cette présentation, vous y ajouteriez certains de vos modelages, qu'en pensez-vous ?
- Encore excellent !
- Nous faisons une bonne paire, ne trouvez-vous pas ?
Cette nuit là, leur tête
reposant toutes deux sur le large oreiller, Marie-Ange lui murmura à
l'oreille : « Armand, voulez-vous m'épouser ? »
C'est le monde à l'envers, maintenant c'est la femme qui demande à
l'homme de l'épouser fut sa rapide réflexion et il sourit
intérieurement. A son tour il glissa à son oreille : « Oui,
Marie-Ange, je veux bien vous épouser ». Il déposa un baiser
dans le creux de sa gorge, elle frémit... il s'endormit !
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