Il était 10h,
Marc-Antoine parqua sa Buggatti à côté d'un ancien modèle BMV
noir. « Marie-Ange a-t-elle une visite ? »
s'interrogea-t-il, « cela serait ennuyeux mais franchement pas
dans ses habitudes, alors peut être un ouvrier ». En
grimpant les marches conduisant au perron d'entrée de la maison, il
vit en sortir « son ange » venu l’accueillir, mais
aussitôt suivie d'un homme distingué vêtu d'un complet anthracite
et fut frappé par ce détail : un mouchoir rouge dépassait de
sa poche de poitrine. « Très vieux jeu » estima-t-il et
s'inquiéta d'autant : la transaction qu'il était venu proposer
pourrait bien être plus difficile qu'espérée. Ceci se confirma
lorsque Marie-Ange, au lieu de l'emmener dans l'atelier, le conduisit
dans le salon. Tous trois s'assirent, prirent un café, parlèrent de
choses et d'autres ; pour le visiteur il devenait de plus en
plus évident que ces deux-là formaient un couple. « Remplacé ! »
Mince alors, il ne s'attendait pas à cela.
Après un moment de
silence, Marc-Antoine finit par demander s'il pouvait voir des
tableaux, qu'il pensait en acheter une série, à un prix deux fois
plus élevé que précédemment, ajouta-t-il. Ce fut Armand qui
répondit :
- Au paravant, vous les avez payés entre 2 et 3000 euros, n'est-ce pas ?
- Oui, environ.
- Cela ferait donc 4 à 6000 euros pour chaque copie.
- C'est ce que j'offre.
- Je pense que Madame de Vermeille en désirerait trois fois plus.
- Oui, c'est ce que je demande, fit Marie-Ange, confirmant ainsi les propos d'Armand.
Marc-Antoine
réfléchissait, tournait les millions dans sa tête. Il finit par
lâcher que sa femme réclamait de lui de l'argent pour prix de son
silence, sinon, elle risquait de le dénoncer : elle aurait des
preuves de ses ventes illicites.
- Céder au chantage, c'est se mettre à la merci du maître chanteur qui, ensuite, n'hésitera pas à presser sa victime jusqu'aux pépins de citron, remarqua Armand.
Dans son énervement,
avec un sentiment d'étouffement dans la poitrine, Marc-Antoine ne
s'était pas rendu compte que Marie-Ange était restée presque
silencieuse, que c'était ce Monsieur... euh Monsieur comment ?
qui menait la conversation. Il était entrain de se faire mener en
bateau et, devenant soucieux, il manqua renverser sa tasse de café
et quelques gouttes tombèrent sur le guéridon. Armand ne lui tendit
pas sa pochette rouge pour les essuyer, il la réservait pour les
dames de son coeur, précisément pour celle-ci.
- Enfin, dit-il dans sa précipitation, rends-toi compte, mon ange, que si elle met ses menaces à exécution, c'est le procès à la face de tout le monde, la honte, le mépris et qui sait, peut-être la prison. Je ne pense pas que ma femme te connaisse, mais ton nom sera inévitablement cité.
- Je confirme les paroles d'Armand, pas de chantage ; et puis je n'ai rien fait de mal, je t'ai vendu simplement des toiles à « la façon de ».
- Et toutes celles qui portaient la signature contrefaite des maîtres ?
- Marie-Ange n'a jamais rien fait de tel, enchaîna immédiatement Armand. Si vous avancez de tels arguments, il faudra le prouver, ou parole contre parole. Dans ce dernier cas, je ne pense pas que vous aurez le jury de votre côté, réfléchissez bien.
Là-dessus, Marc-Antoine
se leva précipitamment et, furieux, quitta la maison en claquant la
porte. Les deux protagonistes présents restèrent sans parler un
moment, se resservirent de café puis Marie-Ange prit la parole :
- Vous aviez parfaitement raison, mon ami, la tactique de prendre la parole en premier et moi de simplement et succinctement la confirmer lui a fait perdre son sang froid.
- Oui, mais je reste soucieux quant à la gravité et même à l'urgence de la situation, je pense que Marc-Antoine a déjà cédé au chantage de sa femme, donc maintenant, s'il ne trouve pas d'argent supplémentaire pour payer, il faut envisager le pire : un procès, s'y préparer en prenant certaines précautions.
- Venez voir mon atelier, cela vous donnera, je l'espère, de bonnes idées.
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