vendredi 7 octobre 2016

Courts récits : 3 Un objet introuvable

3 UN OBJET INTROUVABLE

Un clou, nous savons tous ce que c'est et il n'est pas introuvable ; un clou courbé, nous sommes certainement assez nombreux à rater notre coup pour en avoir courbé plus d'un, donc il n'est pas rare ; peut-être qu'il n'y en a pas partout simplement parce qu'ils ont fini à la poubelle. Un clou courbé deux fois, oui si vous l'avez frappé deux fois de travers, mais un clou en forme de tir bouchon, en avez-vous déjà vu ?

Celui-ci a une belle double courbe, il sourit, s'étonne, rit encore, nargue l'homme que je suis, moi Rulf, si adroit de mes dix doigts, penché sur mon établi, trifouillant dans mes dizaines de boîtes pour en trouver un semblable. Ce clou ci a bien une tête, comme tous les clous, mais lui taper dessus ne permettrait pas de l'enfoncer, nous pourrions éventuellement le courber d'avantage et en faire une boucle d'oreille, mais ce n'est pas mon propos. A la recherche d'un clou pareil, moi Rulf, je suis entré dans une quincaillerie que je sais bien achalandée, avec mon modèle. Un dialogue s'établit entre le vendeur et moi :

  • J'aimerais un clou
  • Un seul, fit le vendeur, un léger sourire moqueur au bord des lèvres
  • Oui, un seul, et courbé comme celui-ci. Cette fois le vendeur fait les yeux ronds d'étonnement
  • Et bien, fait-il, prenez celui-ci, il est assez long pour que vous puissiez donner plusieurs coups de marteaux de travers
  • Non, lui dis-je, il faut qu'il ait une forme de pas de visse sans fin et calibré
  • Calibré ! Alors achetez directement un tire bouchon, vous n'aurez plus qu'à le démonter
  • C'est trop gros, il faut qu'il entre dans un trou très petit
  • Bon, alors, je vous vends des visses, de quel diamètre ?
  • Pour un vendeur, vous ne me paressez pas très futé, remarquai-je
  • ça fait 10 ans que je suis dans la branche, fit-il irrité
  • Oh là, oh là, ne nous énervons pas
  • Je pense, dit le vendeur, que cet article n'existe pas
  • Alors comment ce fait-il que j'aie cet exemplaire ?

Moi, Rulf, je sortis de la quincaillerie, furieux d'avoir passé pour un... idiot, avec mon clou qui n'existe pas et avec celui que j'ai finis par acheter pour mettre fin à notre échange verbal avant qu'il ne devienne un échange de calottes.


De retour dans mon atelier, j'ai tapé comme un sourd sur ce foutu clou, je l'ai raté et me suis blessé la main. Ayant ensuite un clou à enfoncé, j'ai emmailloté ma main blessée dans un linge éponge, seulement voilà, elle était devenue trop grosse pour tenir le clou. A partir de ce jour, ma vie se compliqua terriblement car, voyez-vous, je suis tapissier...




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