7 UNE SERRURE
Elle tourne la clé dans
la serrure, bruit métal rouillé, les gonds de la porte grincent.
Une odeur de renfermé, de vide, de silence, l'accueil. Elle passe
machinalement la main sur la commode et soulève un nuage de
poussière. Le salon est plongé dans l'obscurité, les volets
fermés. Dans la pénombre elle distingue une masse de journaux, de
lettres, éparpillée sur le sol tout autour de la table. Elle tourne
un bouton, un deuxième, pas de lumière. Dans la cuisine, elle se
précipite pour ouvrir la fenêtre mais la poignée lui résiste. Le
bois a du travailler, gonfler, se déformer. Le frigo est béant,
vide. Que croit-elle ? A l'étage, ça sent le moisi ; en
levant la tête elle remarque des ronds d'humidité au plafond de la
chambre. Une fuite d'eau ? Son fils n'a rien surveillé malgré
ses 2-3 téléphones qu'elle lui fit pendant son absence, vexé
probablement qu'elle soit partie sans l'informer, maintenant elle est
de retour sans prévenir. Au fond, heureusement pour elle, l’Ère
Internet n'est pas encore arrivée, elle aurait été poursuivie
jusqu'au bout du monde, sans avoir un instant de répit.
Elle fait le tour du
jardin, la porte du garage est toujours de guingois, pas de voiture
bleue. Le potager est envahi d'orties, les hortensias ont séché,
quelques plantes vivaces vivotent dans les plates-bandes. Elle
s'arrête, se fige devant la niche vide. Toby ! Mon compagnon si
fidèle, aux yeux si doux quand tu me regardais ; tu as erré
longtemps solitaire dans les rues du village, suivant nos pas,
t'arrêtant devant « Chez Charles », gémissant, mangeant
de moins en moins. Aucun homme n'a eu pour moi un tel amour et je
t'ai abandonné. Le menton de Laure tremble, ses jambes ne la portent
plus, elle s'assoit sur les escaliers de pierre. Trois ans de folie
ont passé, l'argent rend fou, de cela elle n'en doute plus.
suite le 13 novembre
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