EXISTER
Cette
grosse machine et tous ses tuyaux en forme de science-fiction , qui
crache , suinte , fulmine , assourdit ; ce marteau piqueur ,
cette perforatrice qui te secoue de la tête aux pieds , te couvre de
poussière , as-tu pensé à tes poumons ? D'où viens-tu ?
D'un pays de l'Est, d'Afrique, plus loin encore, d'Amérique du Sud
peut être. Avec ce bruit d'enfer tu ne peux pas m'entendre , mais ,
malgré tout je te dis ceci : quand je roule sur l'auto-route et
que je te vois suant sous le soleil , coulant le béton, étalant le
goudron brûlant , je ralentis en pensant à ta femme , à tes
enfants.
***
Mon
pinceau coure sur la feuille, tente de dessiner un pont pour nous
relier , des arbres pour t'abriter de la chaleur , te vêt d'un
manteau chaud en hiver .
***
Cette
affreuse machine me fait penser à une planète fric :
Hauts salaires indécents , bonus exonérés d'impôt , j'étouffe
sous la montagne exorbitante des dettes . Même ma petite commune en
a , des dettes .
Planète
jeux : Le monde
entier joue , a joué au moins une fois dans sa vie . Loto , loterie
, c'est enfantin , mais qui joue avec les subprimes , qui spécule à
la bourse , fait monter , ou descendre les cours du blé , du sucre ,
des matières premières ? OGM , Monsanto , Pharmas , jouez-vous
avec notre santé ?
Planète
poubelle : Tiens
il y en a même une sur l'écran de mon ordinateur ! Je m'arrête
, je me tais ! Mes neurones s'emmêlent à vouloir comprendre
comment nous en sommes arrivés là , à chercher des solutions qui
me dépassent , à peser les conséquences . Qui est responsable ?
***
Mon
pinceau danse sur le papier , dessine une passerelle ; je m'y
hasarde , me cramponne aux cordes , j'avance ... A l'autre bout , lui
, l'ouvrier , avance aussi . Il a ôté son casque , ses gants , le
vent emporte
la
poussière de ses vêtements . Nous allons nous rejoindre , nous
embrasser , nous serrer l'un contre l'autre .
Il
me dira : « SURVIVRE »
Je
lui répondrai : « EXISTER »
***
Et
toi petite fille , spectatrice de tout cela , avec ton sourire , ta
plume , tes pinceaux , tu existes aussi ,
tu
existes dans un coin de ciel bleu , dans la brise qui caresse tes
cheveux , le reflet sur l'étang , la pierre que tu ramasses sur le
chemin , dans le chant des oiseaux , une nuit étoilée au firmament
.
EXISTER
dessin de Françoise Dapples
Quel magnifique texte!! J'aime énormément le dessin aussi! Je trouve qu'il permet de mieux entrer dans l'histoire. On comprend bien d'un coup d'oeil la côté pesant de son métier. Et j'aime beaucoup la petite touche de science fiction de la machine!
RépondreSupprimerOui, le texte est "puissant"…
SupprimerLa machine n'est peut être pas une fiction…
Que penses-tu de celle qui veut exister ?