A tous mes lecteurs et lectrices,
je souhaite une belle année 2018 plaines
de petits bonheurs et de grands succès
22 L'INUIT
Un
vent glacial parcourt une immensité blanche, plane,
où
tout relief est indéfini, escamoté. Des formes diffuses
apparaissent, se diluent . Cette colline qui s'allonge, est-elle
loin, est-elle près ? Pas de point de repère dans ces blancs
sur blancs, ce froid polaire qui peut, en un instant, vous
transformer en statue figée, immortelle dans son linceul .
Un
pâle soleil éclaire, un instant, l'homme solitaire, ses chiens, son
traîneau. Il est petit , râblé, revêtu de peaux de phoques, sa
capuche fourrée cache ses cheveux noirs, raides, retombant en forme
de légère frange sur son front. Avec ses yeux en amande, ses
pommettes hautes, c'est l'Inuit, un homme du Grand Nord. Il n'a pas
de boussole et pourtant il sait où il va, il a un but auquel il tend
de toute ses forces. Soudain les rênes qu'il tient dans les mains se
raidissent, comme parcourues d'un frisson. L'homme tend l'oreille :
Faiblement d'abord, plus fort ensuite, un hurlement monte, puis deux,
trois ; des hurlements à glacer le sang : des loups !
Ses chiens les avaient entendus bien avant lui. Il les
distingue maintenant sortant du brouillard : une meute de
loups avec, à sa tête, un grand noir, certainement le loup alpha,
le chef, puis deux, trois autres loups un peu plus petits courant à
côté de lui, tous ralentis par la présence d'un louveteau.
Maintenant
le traîneau glisse entre deux légers monticules ... Vite, rejoindre
la pleine glacée, là à droite où il pourra manoeuvrer, placer ses
chiens fasse au danger . Heureusement, se dit-il, il les a attelés
en éventail comme le lui a enseigné son grand-père et non en
ligne ; les uns derrière les autres, les chiens se gêneraient
mutuellement, en éventail ils ont toute liberté de mouvements et
peuvent s'entre-aider. A peine a-il pensé cela qu'un grondement
sourd se fait entendre, ici, sur sa gauche ... C'est Aku qui
grogne, sa chienne préférée avec laquelle il a déjà parcouru des
milliers de kilomètres, dormi la tête dans sa fourrure, chassé des
heures durant.
Le
grondement enfle, grandi ... DANGER ! L' homme tourne la tête
et aperçoit un loup au pelage gris, légèrement roux, qui s'est
détaché du groupe, galope d'une foulée longue, régulière ;
il s'éloigne en esquissant un demi – cercle, puis se rapproche. Il
va le prendre par devers et l'attaquer par derrière. L'homme lâche
les rênes, ses chiens savent ce qu'ils ont à faire, il leur fait
confiance. Il s'empare d'un fusil. Au même moment, le loup se met à
courir en zigzag ; ce loup sait donc ce que veut dire ce long
bâton, pense l'homme en une fraction de seconde, certainement une
louve, plus rusée que le mâle. Il la suit des yeux et remarque
qu'elle tourne légèrement la tête du côté où elle va virer ;
maintenant il peut anticiper son mouvement, il vise. Il n'a qu'un
coup et n'aura pas le temps de recharger avant qu'elle ne l'agresse.
A cet instant précis il presse sur la gâchette ! La louve,
dans son élan, fait encore quelques pas, puis, coupée dans sa
course, elle s'affaisse, tente de se relever,pose
enfin sa tête sur la terre gelée, ses yeux se voilent,
son corps se
raidit.
Devant,
le loup alpha s'est arrêté net, les autres se regroupent autour de
lui. Une plainte, un gémissement, presque un sanglot monte dans
l'air pétrifié : le louveteau pleure sa mère ... L'homme
sent son coeur se serrer, il aime les loups, il les a tant observés
dans leur orgueil, leur indépendance, leur courage ; il a
sculpté leurs formes, leurs attitudes dans la stéatite, la
serpentine, pendant ces longues nuits qui semblent n'avoir ni
commencement ni fin alors qu'il se trouvait dans la grande tente
familiale.
L'Inuit
redresse la tête, un léger sourire anime son visage : lui
aussi a sa fierté, sa liberté, il se sent maître de sa destinée.
Il a su manoeuvrer, rassurer ses chiens, leur insuffler sa
confiance ; face au danger, il n'a pas faibli, il a défendu sa
vie, cette vie de chasseur, indispensable à sa communauté.
Il
est temps de reprendre la route ; heureusement les jours se sont
allongés, il pourra atteindre sa cache, construire son igloo où
passer la nuit. Demain, il en retirera les morceaux de
caribou qu'il chargera sur son traîneau et bientôt il sera chez lui
dans la chaleur des siens, sous la tente plantée au milieu de nulle
part,
sur
une terre qui semble désolée et pourtant si vivante.
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