dimanche 17 décembre 2017

22 L'Inuit


A tous mes lecteurs et lectrices, 
je souhaite une belle année 2018 plaines
de petits bonheurs  et de grands succès


22 L'INUIT

Un vent glacial parcourt une immensité blanche, plane,
où tout relief est indéfini, escamoté. Des formes diffuses apparaissent, se diluent . Cette colline qui s'allonge, est-elle loin, est-elle près ? Pas de point de repère dans ces blancs sur blancs, ce froid polaire qui peut, en un instant, vous transformer en statue figée, immortelle dans son linceul .

Un pâle soleil éclaire, un instant, l'homme solitaire, ses chiens, son traîneau. Il est petit , râblé, revêtu de peaux de phoques, sa capuche fourrée cache ses cheveux noirs, raides, retombant en forme de légère frange sur son front. Avec ses yeux en amande, ses pommettes hautes, c'est l'Inuit, un homme du Grand Nord. Il n'a pas de boussole et pourtant il sait où il va, il a un but auquel il tend de toute ses forces. Soudain les rênes qu'il tient dans les mains se raidissent, comme parcourues d'un frisson. L'homme tend l'oreille : Faiblement d'abord, plus fort ensuite, un hurlement monte, puis deux, trois ; des hurlements à glacer le sang : des loups ! Ses chiens les avaient entendus bien avant lui. Il les distingue maintenant sortant du brouillard : une meute de loups avec, à sa tête, un grand noir, certainement le loup alpha, le chef, puis deux, trois autres loups un peu plus petits courant à côté de lui, tous ralentis par la présence d'un louveteau.

Maintenant le traîneau glisse entre deux légers monticules ... Vite, rejoindre la pleine glacée, là à droite où il pourra manoeuvrer, placer ses chiens fasse au danger . Heureusement, se dit-il, il les a attelés en éventail comme le lui a enseigné son grand-père et non en ligne ; les uns derrière les autres, les chiens se gêneraient mutuellement, en éventail ils ont toute liberté de mouvements et peuvent s'entre-aider. A peine a-il pensé cela qu'un grondement sourd se fait entendre, ici, sur sa gauche ... C'est Aku qui grogne, sa chienne préférée avec laquelle il a déjà parcouru des milliers de kilomètres, dormi la tête dans sa fourrure, chassé des heures durant.

Le grondement enfle, grandi ... DANGER ! L' homme tourne la tête et aperçoit un loup au pelage gris, légèrement roux, qui s'est détaché du groupe, galope d'une foulée longue, régulière ; il s'éloigne en esquissant un demi – cercle, puis se rapproche. Il va le prendre par devers et l'attaquer par derrière. L'homme lâche les rênes, ses chiens savent ce qu'ils ont à faire, il leur fait confiance. Il s'empare d'un fusil. Au même moment, le loup se met à courir en zigzag ; ce loup sait donc ce que veut dire ce long bâton, pense l'homme en une fraction de seconde, certainement une louve, plus rusée que le mâle. Il la suit des yeux et remarque qu'elle tourne légèrement la tête du côté où elle va virer ; maintenant il peut anticiper son mouvement, il vise. Il n'a qu'un coup et n'aura pas le temps de recharger avant qu'elle ne l'agresse. A cet instant précis il presse sur la gâchette ! La louve, dans son élan, fait encore quelques pas, puis, coupée dans sa course, elle s'affaisse, tente de se relever,pose enfin sa tête sur la terre gelée, ses yeux se voilent, 
son corps se raidit.

Devant, le loup alpha s'est arrêté net, les autres se regroupent autour de lui. Une plainte, un gémissement, presque un sanglot monte dans l'air pétrifié : le louveteau pleure sa mère ... L'homme sent son coeur se serrer, il aime les loups, il les a tant observés dans leur orgueil, leur indépendance, leur courage ; il a sculpté leurs formes, leurs attitudes dans la stéatite, la serpentine, pendant ces longues nuits qui semblent n'avoir ni commencement ni fin alors qu'il se trouvait dans la grande tente familiale.
L'Inuit redresse la tête, un léger sourire anime son visage : lui aussi a sa fierté, sa liberté, il se sent maître de sa destinée. Il a su manoeuvrer, rassurer ses chiens, leur insuffler sa confiance ; face au danger, il n'a pas faibli, il a défendu sa vie, cette vie de chasseur, indispensable à sa communauté.

Il est temps de reprendre la route ; heureusement les jours se sont allongés, il pourra atteindre sa cache, construire son igloo où passer la nuit. Demain, il en retirera  les morceaux de caribou qu'il chargera sur son traîneau et bientôt il sera chez lui dans la chaleur des siens, sous la tente plantée au milieu de nulle part,

sur une terre qui semble désolée et pourtant si vivante.

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