Avoir un château ne veut
pas dire automatiquement vivre une vie de château, Armand en fit
l'amère expérience. Ce soir-là, recevant, avec Marie-Ange,
quelques amis intimes, il narra les événements qui précédèrent
la vente du château survenue quelques années en arrière.
« J'étais en
deuxième année de psychologie à la Fac de Vincianes, j'avais 21
ans. Mon frère aîné, Alphonse, avait terminé son droit et suivait
une formation de gestionnaire en entreprise, poussé par leur père
qui, hélas, mourut subitement, peu de temps après, d'une crise
cardiaque.
Alphonse dû renoncer à
exercer le barreau et reprit notre entreprise vinicole ; il
découvrit, avec effarement, que celle-ci était dans les chiffres
rouges depuis environ 4 ans, suite certainement à l'ouverture du
marché aux vins étrangers. Mon frère et moi nous nous sommes dits
que cette situation avait certainement miné la santé de notre père
et qu'il avait espéré voir venir son aîné pour le seconder,
soutenir ses efforts pour remettre la propriété à flot. Par la
force des choses, Alphonse s’attela donc à la tâche, resserra les
dépenses, chercha de nouveaux débouchés. Il engagea un
représentant qui amena quelques nouveaux clients, d'Allemagne en
particulier, mais conjointement, il en perdit un certain nombres de
proximité : hôtels et restaurants qui s'étaient reconvertis à
la cuisine italienne et se fournissaient en vin directement en
Italie.
Alors que les affaires
semblaient reprendre, dans un virage, pris à une vitesse
probablement excessive, la voiture d'Alphonse dérapa et alla
s'encastrer dans un arbre, il mourut sur le coup. Ainsi, du jour au
lendemain, je me retrouvais à la tête d'un vaste espace de vignes,
un travail auquel je ne connaissais rien et un château qui
avait bien besoin d'être rénové ; je n'ai aucun sans commercial,
ainsi que peut vous le confirmer Marie-Ange, ici présente.
Un autre événement
survint et qui cette fois, plus que les précédents, atteignit ma
mère en plein coeur : mon frère cadet était parti faire un
stage de deux ans en oenologie, très, très loin, en Australie.
Année après année, elle attendait son retour, elle adorait ce
fils ; ne me dites pas qu'une mère ne doit pas faire de
différence entre ses enfants, qu'elle doit tous les aimer de la même
façon, c'est un mythe. Je lui ai caché, le plus longtemps possible
qu'il aimait une jeune fille, mais quand le mariage arriva, je dû le
lui dire. Le choc fut terrible, Maman resta sans prononcer un mot
pendant trois semaines, elle maigrit, se laissa doucement couler,
c'était trop pour elle. Elle ne s'intéressa même pas à ses trois
petits enfants qui naquirent au-delà des mers. Il avait promis qu'il
viendrait la voir, mais il avait toujours une nouvelle raison à
invoquer, elle n'y croyait plus.
C'est donc absolument
seul que je me retrouvais face à une multitude de problèmes et à
la santé déclinante de ma mère. J'en vins à vendre certaines
terres, ne serait-ce que pour pouvoir transformer une pièce au
rez-de-chaussée du château en chambre à coucher, agrandir les
toilettes et y ajouter une douche pour ma mère en lui évitant ainsi
les escaliers qu'elle gravissait avec de plus en plus de difficultés.
Je fermai les chambres du personnel sous les combles pour ne pas
avoir à les chauffer, notre gouvernante-cuisinière et la petite
aide, furent logées sur le même étage que moi. Pensez donc, le
personnel, réduit au minimum, et le maître sur le même étage !
Peut-être aurais-je dû placer ma mère dans une institution quand
le moment vint où il lui fallut une infirmière à domicile, mais je
n'en eus pas le courage. Comme le dit mon aimée : « Vous
avez fait de votre mieux, avec ce que vous aviez, ne regrettez rien,
en plus vous avez donné un peu de bien être à l'auteure de vos
jours »
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